La Génèse - 2ème partie

Publié le par AACCE

            JACOB CHANTE LA SERENADE A RACHEL 

Tu es certainement allongée maintenant dans ton lit 

Et fais des rêves délicieux 

Et moi, sous ta petite fenêtre, je te chante une sérénade

L'oncle est un chien agressif, toujours il me dit d'attendre 

Il ne peut comprendre comme cette attente m'est pénible 

Oïe, ma petite Rachel, je dois t'attendre encore sept ans, 

Oïe, pour tes yeux splendides et ta sombre chevelure. 

Le jour je trime aux champs et la nuit je ne trouve pas de repos. 

Je suis continuellement attiré vers toi  comme par un aimant.

 

La lune dans le ciel, elle seule peut ressentir ma douleur. 

Combien, oh combien il est difficile de mener jusqu'au bout 

Le jeu d'un amour. 

Aujourd'hui j'ai, dans le sable jaune, sept fois tracé ton nom 

Et j'ai vu une diseuse de bonne aventure,

Qui claudiquait sur un pied bot. 

Elle tenait dans la main un jeu de cartes usées 

Et sans attendre elle proféra ces mots: 

"Deux filles se meurent d'amour pour toi,

Et tu n'en aimes qu'une seule.

L'ainée sera ta femme, mais pas la cadette" 

Et aussitôt elle disparu.

C'est de Léa qu'elle parlait, avec son air fourbe.

Oïe, combien se méprend cette diseuse de bonne aventure, 

Et combien se méprend l'oncle. 

Car, de toute façon, tu seras mienne, tôt ou tard 

Oïe, ma petite Rachel, je vais servir encore sept ans, 

Oïe, pour tes yeux splendides et ta sombre chevelure.  

 

            LES TROIS ANGES VIENNENT CHEZ ABRAHAM 

Abraham est assis sur le seuil 

Et taille dans de l'os un Index 

De l'ombre de la tente

S'échappent les pleurs de Sarah. 

"Arrête, bécasse, veux-tu enfin t'arrêter"

Mais non, elle ne cesse de pleurer.

Elle a probablement lu

La "Tsènè Vèrènè" 

Il essuie, avec son mouchoir, ses vieilles lunettes 

Et voit le chemin s'assombrir.

Oh! comme ombre et fumée 

S'effacent nos jours. 

Et de l'ombre il voit se profiler 

Trois Turcs à la barbe flamboyante 

Avec leurs chaussures sans poussière

Ils marchent silencieusement 

Comme si personne n'était présent. 

Bonjour! étrangers. Veuillez entrer 

Et soyez les bienvenus 

Ma Sarah a préparé

Du riz au lait et du pain au cumin. 

Vous venez probablement de loin? 

Les Turcs s'assoient à table, 

Dissertent des problèmes du monde: 

Comment bien marier les enfants, 

Du prix du blé, du vin, 

et de l'argent

Figée Sarah entend 

Et s'exclame en sanglotant: 

"Sans Kaddish, Avreimon, entends-tu 

Notre génération sera perdue." 

"Oui, reb Avrom", disent les étrangers 

"Avant que l'année ne se termine, 

Vous pourrez préparer un baptême 

Et être père d'un nouveau né."

Les Turcs disparaissent 

La joie éclate 

Et sous la voûte de satin bleu du ciel, 

Etincelle un soleil d'or

Qui brille, tel un bijou dans son écrin.  

 

             ADAM EST JALOUX

Un petit canari jaune pousse ses trilles 

Sur un arbre du Paradis  

Adam entrouvre ses yeux entre chants et rêve. 


Un rayon de soleil pourpre frémit 

Sur l'herbe humide  

Un écureuil et un lièvre lui courent après. 

 

Adam sourit. Près de lui est allongée Eve sa femme  

Son jeune et beau corps 

Couvert d'herbe et de feuilles 

 

Il la regarde et jubile  

Il la regarde et pense:  

Comme il est bon que lumineux soit le jour et sombre la nuit. 

 

Il se lève et marche 

Autour de lui tout n'est que bruissements et envolées.  

Et chaque bruissement et envolée 

Résonne dans son âme. 

 

Mais, écoute! Une eau ruisselle,  

C'est un ruisseau là bas dans le vallon,  

Et Adam devient subitement  

Profondément triste.

Il a aperçu dans l'onde du ruisseau

Un Adam exactement semblable a lui-même.  

Qui est cet Adam de l'onde hein? 

Qui est-il , qui? 

 

Et peut être bien, peut être est-ce la réalité  

Que l'autre Adam est en train de jouer  

Avec les seins et la chevelure d'Eve. 

 

Il revient sur ses pas précipitamment,  

Peut-être va-t-il les trouver ensembles 

Justement Eve est là 

Qui tient un coucou dans la main 

 

Elle demande: 

"Coucou, dit moi, suis-je véritablement belle?  

Ai-je beaucoup de charme aux yeux de mon mari ?

 

Et Adam est là qui entend, 

Et ne sait pas lui-même pourquoi  

Il lui vient l'envie de se laisser tomber à terre 

Et de sangloter dans l'herbe profonde. 

 

                                      LES FILLES DE LOTH

 Les filles de Loth sont assises dans la cuisine 

Et se font leurs confidences  

L’une plume une oie sacrifiée,  

L’autre ravaude un robe. 

 

La première dit: “ voici huit jours,  

J’ai eu quarante ans,  

Et aujourd’hui dans le miroir  

J’ai aperçu mes premiers cheveux blancs. 

 

Notre père traîne de taverne en taverne  

Et les années passent vite 

Dans l’armoire à vêtements  

Attendent en vain mes chaussures blanches  

De mariée ”. 

 

La deuxième laisse tomber son aiguille  

Et reste un instant pensive:  

“ Ma soeur, chaque nuit  

Le drap de mon lit est brûlant sous mon corps ”  

 

Son souffle est fiévreux:  

“ J’ai fait un rêve merveilleux,  

Un soldat Bleu et magnifique  

A passé la nuit contre mon sein.  

Il est parti et même en rêve  

Il ne se montre plus.  

Comme s’il n’y avait plus de soldat  

Dans notre garnison! ” 

 La première dit:

“ Ma soeur, écoute moi,  

Un plan m’est venu à l’idée:  

Puisqu’il ne vient pas à nous de prétendant...  

Un père est aussi un homme. 

Ses joues flamboient, son souffle brûle 

Et sa voix tremble;  

Ma soeur, cette nuit même 

Je coucherai près de lui. 

Et demain ce sera toi.

Il est de toute façon continuellement saoul comme Loth!  

Et notre mère est une statue de sel 

A Sodome la ville maudite.

 Elles brûlent de fièvre.

Autour de la lampe vole

Un papillon de nuit. 

“ Ma soeur, soit prête!  

Notre père arrive  

De son pas lourd et chancelant. 

       

              

 ABRAHAM ET SARAH 

Abraham, quand auront-nous un enfant?

Nous sommes déjà âgés!  

 Bien des gens à notre âge,  

 Ont déjà leur dix-huitième enfant!

 Abraham sourit, reste silencieux

 Et tire de sa pipe des volutes de fumée

 “ Ca viendra ma femme car si Dieu le veut

Même un balai peut tirer comme un fusil.. ”

  Abraham, entends-tu?

 Chaque nuit mon corps sanglote!

 Haggar est seulement ta servante

 Alors que moi, je suis ta femme légitime!

  Souvent il me semble que le reflet

 De l’étoile dans la vitre,

 Est l’Ame de notre enfant

 Qui plane par ici tous les soirs

 Dans la pluie, les ombres, le vent...

  Abraham sourit, reste silencieux

 Et tire de sa pipe des volutes de fumée

 “ Ca viendra ma femme car si Dieu le veut

 Même un balai peut tirer comme un fusil.. ”

  Quand parfois je vois l’enfant de Haggar

 Jouer avec le soleil dans le sable,

 Et que je lui caresse doucement la tête,

 Ma main, bizarrement, devient brusquement triste!

  Et quand je prends cet enfant sur les genoux,

 Et qu’il sourit de plaisir et de joie,

 Mes yeux s’agrandissent et pleurent,

 Et mon sang, bizarrement, se glace de tristesse.

  Abraham, quand auront-nous un enfant?

 Nous sommes déjà âgés!

 Bien des gens à notre âge,

Ont déjà leur dix-huitième enfant!

 Abraham sourit, reste silencieux

 Et tire de sa pipe des volutes de fumée

 " Ca viendra ma femme car si Dieu le veut

 Même un balai peut tirer comme un fusil ..”  

  

                        EVE ET LE POMMIER

 Près du pommier se tient Eve. 

Le soleil couchant est d’or.

 Que sais-tu, mère Eve?

 Que sais-tu de la mort?

  La mort c’est le pommier,

 Qui incline ses branches fatiguées;

 Et sur l’arbre l’oiseau du soir,

 Qui chante son chant dans le noir.

 Adam est parti très tôt

 Seul dans la forêt sauvage

 Adam dit: “ la forêt est sauvage

 Et tout ce qui est sauvage est beau ”.

   Mais elle a peur de la forêt.

 Elle est attirée par le pommier.

 “ Et puisque tu ne viens pas à Lui, Eve,

 C’est Lui qui vient vers toi, en rêve”.

  Il murmure, et sur elle s’est incliné.

  Eve entend ces mots: “ Ta destinée,

  Est d’oublier ce que Lui,

 Le Très Grand t’a interdit... ”

 Et Eve cueille une pomme.

 Tout lui semble étrangement léger,

 Amoureuse, elle tourne autour de l’arbre comme

Un grand papillon aux ailes déployées.

  

Et “ Celui ” qui a interdit le pommier,

 Avoue lui même: “ quelle beauté! ”.

 Et retient encore un instant

 Le beau soleil couchant.

  Ceci est le rêve de chaque nuitée.

 Mais quelle est la réalité?

 Et Eve sent l’arbre pleurer

 Le long de sa chevelure dorée.

 “ Ne pleure pas, beau pommier 

Tu murmures et chante en moi.

 Et tu es plus fort que la destinée

Qui me met en garde contre toi ”.

 Et Eve entoure le pommier sublime

 De ses deux mains, amoureusement,

 Et au dessus de la cîme,

 Frémissent les étoiles religieusement.

 

Publié dans aacce

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