RADOM

Publié le par AACCE

La ville de Radom est située au coeur de la Pologne , à 100 kms environ au sud de la capitale sur la ligne de chemin de fer Varsovie-Cracovie. La ville est entourée de forêts séculaires, d’immenses potagers et de vastes champps nourris par les rivières Radomka, Mleczna ainsi que par la Vistule , qui traverse toute la Pologne du Sud au Nord.

 Quelques repères

On trouve les premières traces de la ville au tournant du 8ème siècle, elle se développe sous le règne de Kazimir le Grand, le château est la résidence des rois de Pologne, et surtout sous la dynastie des Jagellon au 15ème siècle.

 Les premiers indices de la présence d’une communauté juive datent de 1568.

 Elle s’y est peu à peu développée, malgré toutes sortes de contraintes, d’arrêtés d’expulsions,jusqu’à ce que le “ droit de séjour” ait été aboli.

 L’administration de la Communauté était composée de Conseillers élus parmi les contribuables, qui comprenaient entre autres un rabbin et trois juges.

 Vers le milieu du 19ème siècle,le mouvement de la Haskalah , inspiré de la philosophie des Lumières, qui voulait lutter contre l’obscurantisme et les préjugés, pénétra en Pologne.  A Radom, ce fut un certain Jehouda Liberman, qui apporta ces idées nouvelles, il ouvrit une librairie, fonda une école moderne . Mais rapidement deux camps s’affrontèrent, ceux qui s’opposaient à tout changement dans la vie traditionnelle juive, et ceux qui étaient pour les réformes. Liberrmann fut boycotté par les hassidim, ils interdirent tout commerce avec lui, finalement il fit faillite et s’enfuit avec sa famille.

 Des juifs de Radom sympathisèrent avec le mouvement national polonais et participèrent à la révolte de 1863 contre la domination tsariste.

 Lorsque la Pologne devint indépendante, après la guerre de 1914, elle se dota en 1921 d’une Constitution qui garantissait les droits et les devoirs égaux à tous les citoyens sans distinction de confession ou de nationalité.

 Dans les faits, une politique de discrimination persista, tant dans le domaine économique que politique. Bien que représentant de 30 à 50% de la population, ils ne furent jamais représentés en proportion de leur nombre dans la cité.

 On sait que cette politique d’exclusion et de discrimination fut même accentuée  à partir de 1936, sous le gouvernement réactionnaire et antisémite de Pilsudski.

 A la veille de la guerre, on comptait 30.000 juifs à Radom. Plus de la moitié de la population était employée dans l’industrie et l’artisanat. Radom possédait, après Varsovie les plus grandes tanneries, 70% de cette industrie était aux mains des juifs.

 Ils travaillaient aussi dans l’industrie du fer et du bois, et dans un grand nombre de commerces, ils fondèrent une banque commerciale juive, les banques polonaises refusant de prêter aux commerçants juifs.

 Comme dans la plupart des villes et bourgades de Pologne,se créèrent et se développèrent à Radom,au tournant du siècle, de multiples organisations, politiques, professionnelles, culturelles et sportives.

 Le Poale-Zion mouvement sioniste de gauche, dont le yiddish était la langue fut particulièrement actif à Radom. A  travers des activités considérées comme légales, comme les cours d’enseignement du soir, il put mener une activité idéologique et politique. Cependant le gouvernement polonais, fit tout ce qu’il pût pour démanteler le mouvement en introduisant des provocateurs, l’école et la bibliothèque furent fermées, des militants arrêtés.

 Radom eut aussi un grand rôle dans la naissance du sionisme religieux, le Misraki qui menait une propagande religieuse en vue de l’émigration en Palestine.

 Les années 20 furent des années de luttes, de manifestations, de grèves, parmi les travailleurs juifs, menés parfois conjointement avec les ouvriers polonais, impulsées par le Bund et le Parti communiste.

  En 1925, une vague de répression s’abattit, des arrestations eurent lieu parmi les travailleurs, par suite de la dénonciation d’un ouvrier en chaussures, Bochner, qui avait été envoyé à Radom pour espionner le mouvement communiste. Il ”travailla “ pour la police pendant trois ans, jusqu’en Août 1928, quand il fut abattu sur l’ordre du parti communiste.

 L’année 1929 fut aussi une année de grande répression, il y eut des vagues d’arrestations de militants de tous bords.

Le 8 Septembre 1939 les allemands occupèrent Radom. Ils exigèrent dès le mois d’Octobre des listes de recensement de tous les juifs. En décembre, une ordonnance interdit aux juifs de quitter la ville sans permission spéciale, ni de vendre leurs maisons et leurs biens.
C’est le  8 Avril 1941 que fut créé le ghetto, en fait deux ghettos, le grand celui de Glinitze, le petit celui de Walowa.

Dès lors ce fut la terreur de masse, dont l’action du 27 Avril “le Mercredi sanglant”.

C’est du 2 au 17 Août 1942, qu’eurent lieu toute une série d’exactions qui aboutirent à la déportation de 20 000 juifs vers Treblinka.

 En Mars 1943, le ghetto fut complètement détruit, les ruines furent vendues comme matériau de construction.

 Radom aujourd’hui.

 Comme le dit Robert Bober dans son film  “Sans ses 33 000 juifs Radom semble être un décor”.
C’est l’impression que j’ai ressentie lorsque je m’y suis rendue, à la recherche de traces de ma famille paternelle. Dans le centre ville, des maisons à deux ou trois étages aux balcon en fer forgé, des cours intérieures verdoyantes, la grande place du Rynek silencieuse, où tinte toutes les heures la cloche de l’église et du couvent voisin. Ni synagogue, ni cimetière, ni musée.

 C’est sur cette place du Rynek que se trouve le bâtiment des Archives municipales. J’avais pris rendez vous de Paris, et l’archiviste a bien voulu exhumer pour moi un vieux registre où figuraient en effet toute une liste de noms de ma famille, certains en caractères cyrilliques, la Pologne étant sous administration tsariste jusqu’en 1917. A vrai dire, entre la transcription des noms du cyrillique ou même du polonais, j’ai du mal à m’y retrouver. Je reconnais certains prénoms, d’autres me restent inconnus. Mais ces noms calligraphiés sur un  registre me restituent une présence. L’archiviste me montre également, d’autres documents, des ausweiss  sortes de fiches d’identité avec une photo, établis par les autorités juives en 1941 qui concernent des membres de ma famille. Et même la trace d’un avis de recherche par les gendarmes, concernant mon père, qui ne serait pas présenté au service militaire.

 Je retrouve aussi dans les archives, le nom de la rue où mon père a vécu, et miracle, elle existe toujours. C’est la rue Zytnia, une toute petite rue qui part de la place centrale, le Rynek, avec tout juste quelques maisons, entrecoupées de jardin. Le numéro 7, celui de leur maison, est tout au bout, c’est un petit bâtiment de quatre étages gris ciment, triste et anonyme. Je n’essaye pas d’y pénétrer.

 Aucun des catalogues, relativement luxueux, destinés aux touristes, ne mentionne même le mot de juif.

 Pour évoquer Radom, reste le Izkher Bukh, le Livre du Souvenir, où ont été recueillis les témoignages de ceux qui y ont vécu ou qui ont survécu.

 Louisette Kahane                
  

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