Le Dernier des Justes
LE DERNIER des JUSTES, André SCHWARZ-BART
« ..Je ne puis m’empêcher de penser qu’Ernie Levy, mort six millions de fois est encore vivant, quelque part, je ne sais où » ainsi se termine « Le dernier des justes », livre pour lequel André Schwarz-Bart reçut le prix Goncourt en 1959. L’écrivain est mort fin septembre à Pointe-à-Pitre et a été enterré en Guadeloupe.
Ainsi près de cinquante ans se sont écoulés depuis la publication de ce livre qui en quelques semaines connut un écho inouï en France et dans le monde (Pologne, Allemagne , Tchécoslovaquie, URSS, Israël où il fut traduit en yiddish). Le livre retrace la persécution d'une famille juive de justes du temps des croisades jusqu'au génocide de la seconde guerre avec des témoignages bouleversants des rescapés des camps. Salué comme un chef-d’œuvre par la critique, marquant un jalon essentiel dans l’établissement d’une “mémoire de la Shoah », aujourd’hui, les jeunes générations connaissent à peine son nom et les adolescents d’après-guerre se souviennent de lui comme de l’homme d’un seul livre. Les temps sont sans doute mûrs pour une relecture de cet ouvrage exceptionnel comme l’était d’ailleurs son auteur(*).
André Schwarz-Bart, né le 23 mai 1928 à Metz était issu d’une famille polonaise, de langue yiddish. Son père avait commencé des études pour être rabbin puis avait exercé le métier de marchand forain. En 1941, la famille trouve refuge près d'Angoulême. Ses parents et deux de ses frères y sont arrêtés fin 1942 et disparaissent à Auschwitz.. Il apprend alors le métier d'ajusteur à Sillac, puis s’engage dans la Résistance. Après la guerre, il découvre l’ethnologie et la philosophie après sa journée d'ajusteur. Il est aussi moniteur dans des orphelinats juifs où souhaite révéler aux jeunes l'éminente dignité du peuple juif à qui il souhaite offri l'hommage d'un roman en guise d'oraison funèbre. Une bourse d'ancien combattant lui permet d'obtenir son bac en 1948 et de s'inscrire à la Sorbonne. .Membre des Jeunesses communistes jusqu’en 1951, Schwarz-Bart s’est engagé très tôt pour la défense du peuple juif mais aussi pour les droits de l'homme. Âgé à l'époque de 31 ans, il n'est pas préparé à ce succès et doit faire face à des réserves de certains chrétiens et même juifs, résistants et communistes, ceux-ci rejetant la conception de son héros considéré comme négatif. Si les accusations portées contre lui sont vite invalidées et qu’il reçoit le soutien de personnalités, notamment du communiste Pierre Daix, blessé il préfère fuir cette notoriété subite. On le retrouve en Guadeloupe où il se marie avec Simone, une jeune étudiante guadeloupéenne avec qui il écrira La mulâtresse Solitude et avec qui il aura un fils qui allie musique de jazz et musique créole. Il avait choisi délibérément de partager l’existence du peuple noir et mulâtre, l’expérience de la persécution l’avait ouvert à celles des esclaves noirs déportés d’Afrique, asservis et déshumanisés par l’Occident.
*Le dernier des Justes, Collection Points , n°217, 7,50€, Un plat de porc aux bananes vertes (avec Simone Schwarz-Bart), Collection Points , n°P314, La mulâtresse Solitude, Collection Points, P 302, Hommage à la femme noire (essai: six tomes, avec Simone Schwarz-Bart), Éditions Consulaires, 1989.
*Francine Kaufmann : « Les enjeux de la polémique autour du premier best-seller français de la littérature de la Shoah », Revue d’Histoire de la Shoah, n°176, sept.-décembre 2002.
Interview par Pierre DUMAYET d'André SCHWARZ ".